RECONFINEMENT : LA JUSTICE NE SERA PAS À L’ARRÊT !

Un article publié sur www.villagedelajustice.fr

Thémis ne sera pas reconfinée. Le service public de la Justice devrait continuer à fonctionner en dépit du reconfinement applicable depuis le 30 octobre. Accessibilité des lieux de Justice, fonctionnement des juridictions et poursuite des activités par les phttps://www.youtube.com/watch?v=rLnLUKkFn_E&ab_channel=Minist%C3%A8redelaJusticerofessionnels du droit, voici ce que l’on sait pour l’instant [1].

Craintes d’une Justice « à 164 vitesses », avec des plans de continuation d’activités décidés par chaque juridiction, craintes aussi d’une Justice à l’arrêt, avec des audiences en souffrance et une aggravation des stocks de dossier… Les inquiétudes sont à nouveau là, sur fond de crise économique pour les professionnels du droit et de constat de l’insuffisance du budget et des moyens alloués à la Justice.

Christiane Féral-Schuhl, Présidente du Conseil National des Barreaux, le disait fermement lors de son discours officiel lors du Grand Atelier des Avocats, « il y a quelques mois, nous avons basculé dans une pandémie (…) qui a fait (…) vaciller la Justice, qui a fait vaciller toute notre profession, avec un premier confinement (…) désastreux pour la Justice. (…) Une Justice qui a bégayé, une Justice qui a trébuché sur ses valeurs (…). Nous ne voulons pas vivre de nouveau le pire alors que le reconfinement est de nouveau notre quotidien ».

Si la Justice n’a pas été expressément visée dans les discours du Président de la République [2] et du Premier ministre [3], il a été question de la continuité des services publics, qui resteront ouverts, avec ou sans télétravail pour les personnels et avec attestation de déplacement dérogatoire pour tous.

Du côté des textes.

Le décret du reconfinement, paru au Journal officiel du 30 octobre 2020, avec application immédiate, prévoit ceci (D. n° 2020-1310, 29 oct. 2020, JO 30 oct.) :

- Art. 4 : I. – « Tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence est interdit à l’exception des déplacements pour les motifs suivants en évitant tout regroupement de personnes : (…) 7° Déplacements pour répondre à une convocation judiciaire ou administrative [4] ou pour se rendre dans un service public ou chez un professionnel du droit, pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance [5] » ;

- Art. 28 : « Les établissements relevant des types d’établissements définis par le règlement pris en application de l’article R. 123-12 du Code de la construction et de l’habitation peuvent accueillir du public, dans des conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l’article 1er, pour : Les services publics, sous réserve des interdictions prévues par le présent décret (…) »

Modèles d’attestation de déplacement obligatoire accessibles sur le site du ministère de l’Intérieur.

Du côté de la Chancellerie.

- Message d’Eric Dupond-Moretti, garde des Sceaux.

Le garde des Sceaux devait annoncer les mesures prises spécifiquement pour la Justice lors du Grand Atelier des Avocats. Les événements de Nice l’ont malheureusement contraint à revoir ses priorités.
Mais il a adressé un message aux 84 000 agents du ministère de la Justice pour leur détailler l’impact qu’allait avoir le confinemen. Message vidéo à retrouver sur YouTube.

- Message du porte-parolat du ministère de la Justice.

Un “brief-presse” en audio-conférence s’est tenu en fin de matinée le 30 octobre. A cette occasion, Emmanuelle Masson, porte-parole de la Chancellerie, a précisé clairement que l’activité des tribunaux est maintenue. La situation est donc “radicalement différente” par rapport à la précédente période de confinement.

« Les audiences vont continuer à se dérouler normalement ; il n’y aura pas de désignation de contentieux prioritaires ; les plans de continuation d’activités des juridictions ne seront pas activés ».

Les portes des tribunaux resteront ouvertes, dans le respect strict des gestes barrières, pour les personnes convoquées en justice et celles ayant des démarches à faire auprès des services d’accueil unique du justiciable (SAUJ).
Les parties, témoins, jurés et experts sont des personnes convoquées, pourront donc se rendre sur place, même si la visioconférence sera privilégiée lorsqu’elle est légalement possible.
En revanche, le public ne sera pas autorisé dans les salles d’audience : assister à un procès n’est pas une dérogation prévue par le décret du 30 octobre. Mas le principe de publicité de la Justice devrait pouvoir être assuré avec la présence des parties et la possibilité pour les journalistes d’accéder aux audiences et de rendre compte des débats…

Pour agents des services judiciaires, de la Protection judiciaire de la Jeunesse (PJJ) et de l’Administration pénitentiaire (AP)

Le principe est le maintien de l’activité, avec un télétravail déployé massivement lorsqu’il est possible (« missions télétravaillables »).

Des aménagements sont en cours :
- pour doter les personnels en matériel (la distribution de nouveaux équipements est en cours, avec pour objectif 18 120 ordinateurs portables disponibles à la fin décembre dans les services judiciaires, soit 90 % magistrats et 66 % greffiers) ;
- pour améliorer les conditions du télétravail (wifi, visioconférence, accès à distance aux messageries professionnelles) ;
- pour les personnes vulnérables ou dans l’impossibilité de télétravailler (par exemple pour les parents d’enfants dont les classes/écoles sont fermées), des autorisations spéciales d’absence seront délivrées ;
- pour aménager le temps de travail afin d’éviter les périodes d’affluence dans les transports en commun.

Dans les établissements carcéraux.

Les parloirs sont maintenus, avec des mesures sanitaires renforcées (pose de dispositifs de protection (plexiglas) et gestes barrière).

L’accès aux unités de vie familiale (UVF) est revanche suspendu pendant le temps du confinement.

Un accès au téléphone sera pris en charge à hauteur de 30 euros par détenu et l’accès à messagerie pour écouter les messages vocaux laissés par les familles sera gratuit.

Le port du masque est désormais obligatoire pour tous les détenus, dès la sortie de cellule, sans plus aucune distinction selon la zone géographique de l’établissement (les masques sont fournis gratuitement).

Le travail en détention sera maintenu, s’il peut être effectué dans de bonnes conditions sanitaires.

Les promenades sont maintenues, mais avec des aménagements pour limiter les risques de contamination.

L’assignation à résidence avec surveillance électronique (ARSE) doit être privilégiée, mais il n’y a pas de dispositif spécifique visant à « vider les prisons ». Il y a une volonté d’adapter au mieux la réponse pénale à la gravité et la nature de la délinquance, en utilisant les moyens légaux à la disposition des magistrats.

Du côté des instances représentatives des professions.

- Conférence des Bâtonniers.

  • Tweet du 30 oct : « le décret paru cette nuit autorise les cabinets d’avocats à recevoir le public pendant le reconfinement et toujours dans le respect des gestes barrière »

- CNB.
Lettre commune du CNB/Barreau de Paris/Conférence des Bâtonniers au Garde des Sceaux demandant que les attestations dérogatoires de déplacement mentionnent expressément un déplacement “chez un professionnel du droit pour un acte qui ne peut être réalisé à distance” (Tweet du CNB du 30/10/2020)

- Conseil supérieur du Notariat.

  • Communiqué de presse du 30 octobre : « le CSN se félicite de la publication de ce décret qui autorise la réception du public pour les actes ou les démarches qui ne peuvent être réalisés à distance. La mission de service public du notariat pour l’ensemble de nos concitoyens peut ainsi se poursuivre sur tout le territoire dans le respect d’un strict protocole sanitaire » (David Ambrosiano, nouveau Président du CSN)

- Huissiers de justice.
Par un communiqué du 2 novembre, la Chambre nationale des commissaires de justice, section huissiers de justice, a confirmé que les études d’huissier de justice restent ouvertes pour assurer leurs missions de service public. Patrick Sannino s’est félicité de l’engagement du ministre de la Justice de préserver l’activité des juridictions : « il s’agit d’un choix politique essentiel, notamment pour les litiges du quotidien. Les huissiers de justice poursuivront leur engagement aux côtés du Ministère de la Justice, en faveur d’une justice de proximité, dans le strict respect des règles sanitaires mais en utilisant, lorsque cela est possible, les outils numériques à distance ».

Du côté des juridictions et des AAI.

- Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
La présidente de la CNDA, Dominique Kimmerli, a annoncé le maintien des audiences, dans le respect des consignes sanitaires et de sécurité (Tweet du CNB du 30 oct. 2020).

- Tribunaux de commerce.
Dans un communiqué du 3 novembre, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce a confirmé que les greffes des tribunaux de commerce restent pleinement accessibles, en ligne et dans les tribunaux : « Alors que la France se reconfine, les services publics sont appelés à rester ouverts. Dans la lignée du précédent confinement, la continuité de la justice commerciale est à nouveau assurée. Les justiciables et chefs d’entreprise ont le choix : accomplir leurs démarches physiquement, en se rendant au tribunal avec une attestation de déplacement dérogatoire, ou bien limiter leurs déplacements en s’appuyant sur les plateformes en ligne mises à disposition par les greffiers des tribunaux de commerce. Les audiences seront maintenues ».

- Défenseur des droits (DDD).
Dans un communiqué du 2 novembre, le Défenseur des droits informer continuer à accomplir sa mission au service de toutes et de tous durant ce nouveau confinement. Les services centraux et le réseau territorial continuent à recevoir et à traiter les réclamations qu’ils reçoivent par voie postale, par messagerie et par téléphone. Les équipes du Défenseur des droits sont joignables en priorité par messagerie et par courrier. L’accueil téléphonique reste assuré au 09 69 39 00 00 de 9h à 18h pour les réclamants qui n’ont pas d’autre possibilité de le contacter.

En raison du confinement institué par le gouvernement, les délégués du Défenseur des droits ne sont plus en mesure d’assurer leur permanence au sein des établissements pénitentiaires. Durant toute la période d’urgence sanitaire, les détenus et leur famille peuvent adresser leurs réclamations au 01 53 29 23 90 du lundi au vendredi de 9h à 17h. Les appels sont gratuits et confidentiels.

- Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL).
Le CGLPL poursuit son activité de manière aussi normale que possible, en privilégiant l’usage du télétravail par ses agents. L’accueil téléphonique est assuré du lundi au vendredi au 01 53 38 47 80 et le CGLPL continue à traiter et instruire les signalements qui peuvent lui être adressés par toute personne qui le souhaite. Il peut être saisi par voie électronique via le formulaire disponible sur le site internet de l’institution ou par voie postale (Communiqué du 3 novembre)

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