INTERDICTION DE PRISES D’IMAGES ET DE SONS EN AUDIENCE

Prise d’images et de sons pendant les audiences : une interdiction nécessaire pour la Cour de cassation

L’interdiction d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image après l’ouverture d’une audience, et jusqu’à ce que cette dernière soit levée, est une mesure nécessaire à la manifestation de la vérité et contribue à l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. Et ce, malgré la liberté d’expression et l’intérêt légitime du public à recevoir des informations relatives aux procédures en matière pénale et au fonctionnement de la justice selon la Cour de cassation.

peut-être un motif pour proscrire toute évolution vers les Visio-audiences, hors des situations d’exception (pandémie).

Deux photographies prises lors d’une audience de cour d’assises spécialement composée ont été publiées. L’une montre un témoin et un des accusés, l’autre un second accusé et ses avocats avant l’annonce du verdict. Ces deux photos ont été mises en ligne sur le compte Twitter d’un hebdomadaire, sur son site internet et ont été publiées dans le magazine lui-même. La directrice de la publication de l’organe de presse est poursuivie devant le tribunal correctionnel. Elle est déclarée coupable des faits de publication ou cession d’enregistrement sonore ou visuel effectué sans autorisation à l’audience d’une juridiction.

Se posait alors le problème de l’équilibre entre l’intérêt légitime du public à recevoir des informations, la liberté d’information et le droit à l’image des parties qui doit être préservé dans l’enceinte judiciaire.

Après un appel interjeté, les juges du second degré confirment le jugement et précisent que, « même si le public a un intérêt légitime à recevoir des informations relatives aux procédures en matière pénale », particulièrement s’agissant d’une affaire de terrorisme, « la liberté d’information doit être mise en balance avec les autres intérêts en présence » à savoir, la sérénité des débats et particulièrement, la spontanéité et la sincérité des dépositions ainsi que les attitudes des accusés et des témoins, tous dépendant notamment « de la certitude qu’aucune publication de prises de vue n’interviendra », et également« le droit à l’image des parties concernées qui doit être préservé dans l’enceinte judiciaire ».

La cour ajoute également que l’accès au public de la salle d’audience est libre et que l’information est garantie par la publication de comptes rendus des débats et des dessins d’audience. De plus, l’affaire en l’espèce n’est pas jugée définitivement au moment des publications.

Ainsi, l’article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui dispose que « l’emploi de tout appareil permettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image est interdit » dès l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires, « ne saurait constituer une ingérence disproportionnée dans les droits garantis par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme » protégeant la liberté d’expression et de communication.

Un pourvoi est formé par la directrice de la publication de l’organe de presse. Pourvoi qui sera rejeté par la Cour de cassation dans un arrêt du 24 mars 2020. Selon elle, « si, en effet, toute personne a droit à la liberté d’expression et si le public a un intérêt légitime à recevoir des informations relatives, notamment, aux procédures en matière pénale ainsi qu’au fonctionnement de la justice, l’interdiction de tout enregistrement, fixation ou transmission de la parole ou de l’image après l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires, et de leur cession ou de leur publication, constitue une mesure nécessaire, dans une société démocratique, à garantir la sérénité et la sincérité des débats judiciaires, qui conditionnent la manifestation de la vérité et contribuent ainsi à l’autorité et à l’impartialité du pouvoir judiciaire ».

Et alors que la directrice de la publication soulève le fait que la photographie a été prise au cours d’une interruption d’audience, la Cour de cassation, confirmant la position de la cour d’appel, précise que « l’interdiction instituée par l’article 38 ter précité, qui commence dès l’ouverture de l’audience et se prolonge jusqu’à ce que celle-ci soit levée, s’applique pendant les périodes de suspension de l’audience ».

Rappelons que dans cette affaire, une QPC avait été renvoyée par la directrice. Cette dernière contestait la constitutionnalité de l’article 38 ter de la loi de 1881. Elle relevait plusieurs points dont l’évolution des techniques d’enregistrement et de captation ou encore l’absence d’exception prévue prenant en compte la liberté d’expression des journalistes. Les Sages avaient pour autant répondu que « l’atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui résulte des dispositions contestées est nécessaire, adaptée et proportionnées aux objectifs poursuivis » à savoir la bonne administration de la justice, le droit au respect de la vie privée des parties et personnes participant aux débats, à la sécurité des acteurs judiciaires ou également au respect de la présomption d’innocence (v. L’interdiction de prises d’images et de sons en audience confirmée par le Conseil constitutionnel, Actualités du droit, 6 déc. 2019).

À noter tout de même que l’article 38 ter prévoit une exception : des prises de vue peuvent être autorisées uniquement sur demande présentée au président avant l’audience, lorsque les débats ne sont pas encore commencés et seulement si les parties ou leurs représentants et le ministère public y consentent.

Ainsi, le débat autour de la légitimité de cette interdiction semble clos. Et malgré l’évolution des techniques de communication, la Cour de cassation confirme l’interdiction légale de la prise d’image et des enregistrements pendant les audiences.