MANDAT AD HOC ET CESSATION DE PAIEMENT

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    Fabio COSTANTINI
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      TRIBUNAL DE COMMERCE DE LONS LE SAUNIER
      NOTE D’INFORMATION N°86

      Le livre VI du Code de commerce ne consacre que six
      articles au mandat ad hoc, accompagnés de quelques articles communs concernant
      la rémunération du mandataire dans la conciliation et l’article L. 642-2, 1,
      relatif à la nouvelle mission du mandataire ad hoc qui a pour objet
      l’organisation d’une cession de l’entreprise.

      Ceci afin de laisser à cette procédure contractuelle la
      plus grande souplesse et liberté entre le débiteur et les créanciers.

      Un mandat ad hoc peut-il être ouvert lors d’une cessation de paiement ?



      Un mandat ad hoc peut-il être ouvert lors d’une cessation de paiement ? L’article L. 631-4 du Code de commerce, qui concerne l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, stipule :

      « L’ouverture d’une procédure de
      redressement judiciaire doit être demandée par le débiteur, au plus tard dans les quarante-cinq jours
      qui suivent la cessation des paiements
      … ».

      La loi accorde bien un délai de quarante-cinq jours après
      la cessation de paiement au débiteur. Passé ce délai, la déclaration de
      cessation de paiement devient
      obligatoire
      .

      • Il n’est donc pas interdit par la loi de
        solliciter un mandat ad hoc, dès lors que la cessation de paiement est récente,
        et n’a pas dépassé le délai de quarante-cinq jours.
      • « Ce que la loi n’interdit pas est permis ».
        (Corinne Saint-Alary-Houin)
      • « Le silence de la loi ne doit pas être
        interprété comme une interdiction ». (F-X Lucas) Dans ce cas, l’intervention
        rapide du mandataire ad hoc fera cesser la cessation de paiement par la
        négociation et l’obtention de délais et de moratoires auprès des créanciers, et
        ce dans le délai de quarante-cinq jours.

      Le mandataire ad hoc a souvent pour mission :

      • de
        réétaler les dettes ;
      • d’aménager
        certains règlements ;
      • d’obtenir
        des différés de paiement ; – de solliciter des remises et délais, etc.

      L’objet d’un mandat ad hoc est souvent :

      • d’éviter la cessation de paiement
        • et/ou de faire cesser une cessation de paiement très
          récente (dans tous les cas, en deçà de 45 jours).

      Commentaires :

      La cessation de paiement se produit fréquemment au cours de l’activité normale d’une entreprise, sans pour cela, constituer un danger pour sa survie…
      On peut ajouter que la pratique des tribunaux de commerce est extrêmement pragmatique et qu’ils font sans être contredits, une appréciation de la cessation de paiement très souvent liée aux circonstances Rapp. AN n°2095 11 février 2005, X. de Roux, p.48 .

      Dès lors que cette cessation de paiement est accidentelle,
      surtout dans le contexte économique actuel, celle-ci ne doit pas contraindre
      l’entreprise à se trouver prise systématiquement dans une procédure collective
      avec les conséquences que l’on connait pour l’entreprise et le dirigeant.

      Là est bien le rôle de la procédure de mandat ad hoc, choisie
      et sollicitée dans le délai réglementaire impératif de quarante-cinq jours,
      afin de régler les difficultés temporaires de trésorerie.

      Difficultés de trésorerie ne signifient pas toujours
      situation irrémédiablement compromise.

      Une entreprise peut très bien connaître un accident ou
      panne de trésorerie dus aux « caprices » de son besoin en fonds de roulement,
      non prévus et mal financés, sans être pour cela en cessation de paiement.
      Faut-il encore que cette situation ne devienne pas habituelle.

      Cette procédure amiable, confidentielle est souvent
      préférée par les créanciers à une procédure collective où le débiteur est mis «
      sous main de justice ».

      Les règles de l’article L. 631-1 du Code
      de commerce sont applicables au débiteur en mandat ad hoc dès l’intervention et
      les effets des négociations du mandataire ad hoc :

      Dès lors que les actifs disponibles majorés des réserves de
      crédit couvrent les passifs exigibles diminués des moratoires et délais
      obtenus, il n’y a plus cessation de paiement.

      Le mandataire ad hoc.
      Effectivement dans cette situation la rapidité du mandataire est primordiale,
      afin de ne pas dépasser le délai fatidique de quarante-cinq jours.

      La réussite de la mission dépendra de
      l’autorité et du savoir-faire du mandataire ad hoc, spécialiste du traitement
      des entreprises en difficulté qui « épaulera » le chef d’entreprise.

      Son rôle sera d’éviter ou de faire disparaître très
      rapidement la cessation de paiement en négociant des délais, différés,
      moratoires, etc., auprès des créanciers.

      Un partenaire incontournable en mandat ad hoc : la Commission des chefs de services
      financiers du département (CCSF)
      , commission auprès de laquelle le
      mandataire sollicitera des délais de paiement fiscaux et sociaux.

      La présence d’un mandataire de justice est
      en général rassurante pour les créanciers…

      Cessation de
      paiement de plus de quarante-cinq jours
      . Dès que le mandataire ad hoc
      constate une cessation de paiement manifeste et avérée, il doit inciter le
      débiteur à effectuer au plus vite une déclaration de cessation de paiement et
      demander l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire (ou de
      liquidation judiciaire).

      Il rend compte également de la situation au président.

      À défaut d’une demande d’ouverture d’une
      procédure par le débiteur le président doit faire application de l’article L.
      631-3-1 du Code de commerce :

      Lorsqu’il est porté à la connaissance du président du
      tribunal des éléments faisant apparaître que le débiteur est en état de
      cessation des paiements, le président en informe le ministère public par une
      note exposant les faits de nature à motiver la saisine du tribunal. Le
      président ne peut siéger, à peine de nullité du jugement, dans la formation de
      jugement ni participer aux délibérés si le ministère public demande l’ouverture
      d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation à l’égard de ce
      débiteur.

      EXEMPLE (RÉEL)

      Un débiteur en cessation de paiement depuis trois semaines a sollicité un mandat ad hoc.
      Après l’acceptation du président, et la désignation d’un mandataire ad hoc, le débiteur a : – obtenu un crédit spot de six mois auprès de la banque principale du débiteur (cautionné par le dirigeant). Ce crédit a permis de régler les retards de paiement et de stopper la cessation de paiement ;

      • négocié
        l’étalement sur de nouvelles durées, de certains crédits et crédits baux
        mobiliers ;
      • obtenu
        des différés de paiement ; – obtenu des délais auprès de la CCSF.

      Après toutes ces
      actions qui ont restructuré le financement du fonds de roulement, cette
      entreprise a été remise sur les rails et roule bon train aujourd’hui…

      Dans de nombreux cas d’espèce, le mandat
      ad hoc a permis d’éviter à des entreprises d’être « sous main de justice »
      (sauvegarde ou redressement judiciaire).

      Rappelons que le taux de « réussite » du mandat ad hoc est
      en moyenne de 70 % et de 80 % dans certains tribunaux…

      • « La procédure de mandat ad hoc n’est pas inconciliable avec l’état de cessation de paiement du débiteur, dès lors que cet état n’existe pas depuis plus de quarante-cinq jours. » 
        (P.-M. LECORRE – Droit et pratique des procédures collectives. DALLOZ- 2019-2020. §123.114)

      • « Le débiteur disposant de 45 jours, à compter de la cessation des paiements, pour demander l’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, il ne commet aucune faute si, avant l’expiration de ce délai, il ne demande pas l’ouverture d’une procédure collective mais d’un mandat ad hoc. » 
        (F-X  LUCAS – Manuel de droit de la faillite. PUF 2018 §46)

      Nous savons que le mandat ad hoc (et la conciliation) ne
      font pas partie du règlement européen du 20 Mai 2015, qui ne vise que les
      procédures dont l’ouverture est rendue publique.

      Toutefois, cette procédure entrera parfaitement dans le
      cadre de la directive européenne du 20 Décembre 2018, adoptée mais non encore
      publiée, relative aux opérations de restructuration préventive.

      Cette procédure sera certainement confortée et consacrée
      par la loi Pacte du 22 Mai 2019 qui permet au gouvernement de « revisiter » par
      ordonnance, le droit des entreprises en difficulté afin de l’harmoniser avec le
      droit européen de l’insolvabilité.

      Des auteurs qui déclarent que la procédure
      de mandat ad hoc n’est pas incompatible avec l’état de cessation de paiement du
      débiteur, dès lors que celle-ci ne date pas depuis plus de 45 jours :

      • P-M Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz, 2019-2020,
        §123.114
      • A Lienhard, Procédures
        collectives
        , Delmas, 2019-2020, §11.15
      • F-X Lucas, Manuel
        de droit de la faillite
        , PUF, 2018, §46
      • T Monteran, Le
        mandat pour tous !
        , Gaz. Pal. 18-19 janv.2013, p.13
      • Jacquemont, Vabres, Mastrullo, Droit des entreprises en difficulté,
        LexisNexis, 2017, §81 (10° éd.)
      • Ph Roussel Galle, Mandat ad hoc et conciliation, LPA, 2 juil. 2006, n°9, p.10
      • J Vallansan, Guide
        des procédures collectives
        , LexisNexis, 2018, §48 (sous forme
        interrogatoire)
      • J-L Vallens (avec prudence…), Lamy Droit commercial 2019, §2776
      • D Vidal et G C Giorgini, Cours de Droit des entreprises en difficulté, Gualino, 20016-2017,
        §372
      • S Farhi, Les
        procédures collectives après la loi Pacte
        , Gualino, 2019, p.2
      • Denis Voinot, Procédures collectives, éd. Montchrestien, 2011, p. 29 §59
      • Marie Rakotovahiny, Fiches de procédures collectives, éd. Ellipses, 2016, p.28
      • Cécile Le Gallou, Droit des suretés, Droit des entreprises en difficulté, 2° éd.
        Paradigme, 2015, p.242 §400
      • Michel Di Martino, Procédures amiables et collectives, LexisNexis, 2018, chapitre 14.
      • Guide pratique de procédure à l’usage de
        l’avocat
        , LGDJ-EFB, 2018 §547 (ouvrage collectif)

      « Certains chefs de juridiction demandent au débiteur de déclarer de ne pas être en cessation des paiements… »
      Cette mention ne répond pas à une condition légale spécifique.
      (M. JL VALLENS, Lamy Commercial, 2019. §2776)
      Une jurisprudence de la chambre commerciale de la cour de cassation, ou un texte serait le bienvenu.

      Attention : 

      Un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation a bien précisé qu’un mandat ad hoc n’est pas la solution lorsque la situation financière de l’entreprise est compromise et que le mandat n’a pas de chance d’aboutir. (Cass. Com. 03/11/2015)
      Rappelons que le mandat ad hoc est une procédure amiable purement contractuelle et qu’un créancier, dans un mandat ad hoc, peut refuser les propositions du mandataire ad hoc, sans pour cela être fautif. (Cass. Com. 22/09/2015)

      Réflexion :
      Le mandat ad hoc a ses limites. Il convient de ne pas l’utiliser pour faire de « l’acharnement préventif » et abusif. Il n’a d’efficacité que pour résoudre certaines difficultés financières. Si les difficultés ne peuvent être solutionnées, il ne faut pas hésiter à demander (rapidement) l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire si la cessation de paiement est nettement déclarée.

      En clair, le mandat ad hoc n’est pas la
      solution lorsqu’une restructuration de dettes nécessite les délais prévus par
      une sauvegarde ou un redressement judiciaire.

      Bien que parfois des mandataires ad hoc arrivent à
      restructurer les dettes et les fonds propres d’une entreprise en mandat ad hoc
      ou en conciliation…

      Bien à tous
      Michel DI MARTINO
      Président du TC de LONS LE SAUNIER                                                      
      Le 30 Septembre 2019

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